La paléoglaciologie pour prédire la fonte des glaces ?

Le Grand Format - N°1

La paléoglaciologie pour prédire la fonte des glaces ?Avec Edouard Ravier, du laboratoire Géosciences

La fonte des glaces... Un sujet brûlant, dans le contexte actuel de réchauffement climatique. Pour la première fois, des données paléoglaciologiques recueillies sous des calottes glaciaires aujourd’hui disparues par l’équipe d’Édouard Ravier, chercheur sédimentologue au laboratoire Géosciences (LPG - UMR CNRS) de Le Mans Université, permettent d’étudier les processus d’effondrement des calottes glaciaires en période de réchauffement climatique.

 

D’après un large panel de spécialistes, la Terre vit sa plus forte période de chaleur depuis 2 000 ans. L’accélération de la fonte des glaces semble dès lors inéluctable. Si nous en percevons les premiers effets (hausse du niveau marin, modifications des courants océaniques et de la chaîne trophique à l’échelle globale...) nous en connaissons mal les mécanismes.

Alors que le dernier âge glaciaire s’est achevé il y a environ 20 000 ans à la suite d’un réchauffement climatique global, nous manquons encore de données historiques solides et de modèles pour prédire avec précision les conséquences d’un nouveau bouleversement climatique sur nos calottes glaciaires. Pour découvrir ce qui se passe sous la glace durant ces périodes et savoir quelle était alors la dynamique d’écoulement et de fonte des glaciers, il faut pouvoir combiner données paléoglaciologiques et expériences de modélisation physique.

Confronter les données de modélisation physique et paléoglaciologiques Structures plurikilomètriques allongées mises en place durant l'écoulement très rapide d'un couloir de glace lors de l'éffondrement de la calotte glaciaire nord-américaine il y a environ 20 000 ans (Canada - Google Earth)

En 20 000 ans, les glaciers n’ont pas changé de modèles de fonctionnement. Ce qui a changé, c’est la vitesse à laquelle ils fondent. Pendant les périodes de changements climatiques, le rétrécissement de la calotte glaciaire est contrôlé par la dynamique de couloirs étroits où la glace s’écoule beaucoup plus rapidement que dans le reste de la calotte notamment en raison de la présence d’eau qui lubrifie la base du glacier. « Un peu comme la dérive d’un morceau de beurre qui fond dans une poêle », comme se plaît à le rappeler Édouard Ravier.

C’est en 2019 que le projet Ice Collapse voit le jour, pour une durée de quatre ans. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), il a notamment permis à Édouard Ravier de continuer le développement d’un système de reproduction des calottes glacières en laboratoire unique au monde entrepris il y a maintenant 4 ans sous l’impulsion de la Région Pays de la Loire et de Le Mans Université. Cette opération permet de simuler des phénomènes naturels à plus petites échelles et en accéléré. La glace est remplacée par de la silicone sous laquelle on injecte de l’eau afin de mimer l’influence de l’augmentation de la production d’eau de fonte sur la dynamique d’écoulement d’une calotte glaciaire. Les différents scénari obtenus sont notamment immortalisés par photogrammétrie pour obtenir des modèles 3D directement comparables aux modèles numériques de terrain disponibles à la surface du globe.

Déterminer la dynamique passée et actuelle des glaces

Edourad Ravier

Réparti dans quatre pays (France, Angleterre, Ecosse, Canada), ce projet ANR « jeune chercheur » implique d’ores et déjà six laboratoires et une zone privilégiée de recherches : l’Alberta au Canada, où deux anciens couloirs d’écoulement rapides de la glace, drainant une gigantesque calotte recouvrant une bonne partie de l’Amérique du Nord il y a 20 000 ans, ont été repérés. L’étude de cette région doit permettre non seulement de tirer des probabilités comportementales de la glace sur le reste du globe durant la dernière glaciation et peut-être sur la période actuelle. En rapprochant les expériences effectuées en laboratoire et les analyses de terrain, Édouard Ravier et son équipe proposent une approche scientifique unique pour répondre à cette problématique aux véritables enjeux sociétaux et économiques.

Le but de ces travaux est d’établir un modèle spatial et temporel d’effondrement des calottes glaciaires en période de réchauffement climatique. Ils visent prioritairement à reconstruire l’origine, la chronologie et les processus de d’effondrement des courants glaciaires le long de la calotte glaciaire nord-Américaine.

La combinaison de données expérimentales et paléoglaciologiques doit également contribuer à l’établissement de nouvelles lois semi-empiriques, qui permettront d’affiner les schémas prévisionnels à long terme, y compris les plus alarmistes.

 

Article rédigé en partenariat avec Le Labo des Savoirs

 

Pour aller plus loin >
Le projet ANR ICE Collapse - Interview d’Édouard Ravier

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