Décryptage #3 | Rupture[s]
Expérimenter sur des animaux… mais virtuellement !
Magazine Science & Société | Décryptage #3 | Rupture[s]
Les étudiants de première année de BUT Génie biologique disposent désormais d’un outil virtuel novateur pour acquérir les compétences nécessaires à l’expérimentation animale.
Si les rats de laboratoire pouvaient attribuer une médaille de la gratitude, elle reviendrait sans aucun doute à Lahcen Oubahssi, enseignant-chercheur au Laboratoire d’Informatique de l’Université du Mans (LIUM). Spécialiste de l’utilisation de la réalité virtuelle à des fins pédagogiques, Lahcen Oubahssi a développé un environnement virtuel alternatif à l’expérimentation animale directe, en partenariat avec les enseignants du département de Génie Biologique de l’IUT de Laval.
En 2021, une première version du logiciel a été mise à la disposition des 75 étudiants de première année du parcours BMT (Biologie Médicale et Biotechnologie) pour les initier à la pose de cathéter sur des rats virtuels.
Les étudiants peuvent ainsi s’entrainer à ouvrir une cage, attraper un rat, lui injecter un anesthésiant, le fixer sur un support, l’inciser et lui placer un cathéter. Le tout sans faire de mal à une mouche.
Les retours ont vraiment été très positifs, cela nous a motivés à proposer des améliorations, rapporte Lahcen Oubahssi.
Diviser par 4 ou 5 le nombre de rats utilisés
L’année suivante, 40 étudiants de l’IUT de Lyon ont également pu tester l’environnement. Enfin, une nouvelle version, baptisée Virtual 3R, est en cours d’expérimentation. Les 3R font référence au principe Réduire/Remplacer/Raffiner*, qui est au cœur de l’éthique en recherche animale. Le logiciel propose trois situations pédagogiques, toujours axées sur le rat : la trachée, la jugulaire et la vessie, et deux modes : monoposte et collaboratif(à 2 ou 4).
« Nous ne sommes plus sur un prototype de recherche, mais sur une véritable application pédagogique utilisable », commente Lahcen Oubahssi, tout en faisant une démonstration de l’outil : à l’écran, deux mains s’agitent et tentent de choisir le bon matériel, de prendre le plateau et de l’emmener sur la paillasse avant d’aller chercher l’animal virtuel.
Chaque étape est bien détaillée avec, par exemple, une petite flèche qui indique à l’étudiant l’endroit précis où il doit inciser. Une croix verte ou rouge approuve ou sanctionne chacun des gestes de l’utilisateur. Pour l’instant, les mouvements se font à l’aide de manettes, et ne sont donc pas aussi précis que dans la vraie vie. L’application sert surtout à s’approprier le protocole. Le chercheur souhaiterait y intégrer une technologie de suivi des mains ou hand tracking**, tout comme un outil de scénarisation permettant de générer de nouveaux cas de travaux pratiques rapidement.
Les bénéfices de ce projet sont multiples.
Il permet de diviser par 4 ou 5 le nombre de rats vivants utilisés à des fins de formation. Ensuite, il offre une solution à certains étudiants réfractaires à participer à des travaux pratiques impliquant des animaux réels.
Enfin, les 18 départements de Génie Biologique de France dépourvus d’animalerie peuvent désormais offrir un apprentissage aisé des protocoles grâce à cette application. L’objectif est de diffuser l’application auprès de ces derniers, soit 900 étudiants de première année. Ils seront au moins cinq à avoir sauté le pas à la rentrée 2024.
* 3R : Remplacer l’utilisation d’animaux par d’autres méthodes, Réduire le nombre d’animaux utilisés, Raffiner, c’est-à-dire améliorer les procédures pour limiter la souffrance animale.
** Hand tracking : procédé qui permet de détecter et d’analyser les mouvements de la main d’un utilisateur. L’intelligence artificielle reproduit et modélise alors les mains et leurs mouvements.
Lahcen Oubahssi, enseignant-chercheur en informatique et porteur des projets Virtual 3R, Virtual Reality platfoRm for animal expeRimentation (2022-2024)
Laboratoire d’Informatique de l’Université du Mans [LIUM].