Décryptage #3 | Rupture[s]

Entretien avec Guillaume Laurent

Magazine Science & Société | Décryptage #3 | Rupture[s]

L’attractivité et la fidélisation des professionnels de santé, la transition écologique, et le développement universitaire figurent parmi les axes prioritaires de la stratégie du centre hospitalier du Mans et interagissent entre eux, selon Guillaume Laurent, le directeur général de l’établissement.

 

Quels sont aujourd'hui les liens qui unissent le centre hospitalier du Mans et Le Mans Université ?

Ces cinq dernières années, nos relations se sont renforcées selon deux axes majeurs. Tout d’abord, sur le plan géographique, nous sommes voisins, ce qui a donné naissance à l’idée de constituer un « campus » au sens large, où nos étudiants et nos équipes pédagogiques et professionnelles peuvent collaborer sur des thématiques communes.

Ensuite, sur le plan académique, bien que nous ne soyons pas un centre hospitalo-universitaire (CHU), l’enseignement et la recherche font partie intégrante de nos missions conformément au Code de la santé publique. Cela nous pousse à nous renouveler en permanence et à améliorer la qualité des soins, notre priorité absolue. Même si notre faculté de rattachement est à Angers, nous maintenons continuellement un dialogue à quatre (le CH du Mans, les universités du Mans et d’Angers, le CHU d’Angers), notamment au sein de la Communauté d’universités et d’établissements Angers-Le Mans (Comue).
De plus, le CHM est actuellement impliqué dans la constitution d’un institut de santé au sein de Le Mans Université, qui fait appel à nos professionnels, médecins ou juristes, spécialistes en droit de la santé ou en Ethique médicale.

Enfin, un pôle d’excellence en formation paramédicale et de santé doit être créé sur le campus de Le Mans Université, sous la supervision de la Région Pays de Loire, dans lequel seront regroupés les trois instituts de formation en soins infirmiers de l’agglomération mancelle, la formation de première année en études de santé, ou encore une nouvelle formation d’infirmier en pratiques avancées.

 

 Comment se matérialise la gouvernance commune entre l’hôpital et l’université ?

Depuis 2019, une convention nous lie et définit des objectifs communs. Un comité stratégique se réunit, sous l’égide du président de Le Mans Université et du directeur général du CH Le Mans, pour fixer les orientations.
Cette coopération se concrétise à travers un réseau nommé « Plexus », qui nous permet d’organiser conjointement des activités telles que des journées thématiques, des conférences, des ateliers sur des thèmes comme l’activité physique adaptée, la nutrition, l’histoire de la santé, la pédagogie innovante, l’audition et l’acoustique, etc.

Nous accueillons aussi à l’hôpital des étudiants en master 2 de Le Mans Université, qui nous aident sur des projets de recherche clinique ou de thématiques diverses (par exemple la mobilité, les transports sur notre site), financés par Le Mans Métropole. En outre, en nous appuyant sur l’expérience de Le Mans Université, nous envisageons de développer un outil numérique visant à améliorer la formation continue et l’intégration des nouveaux arrivants.

La rupture doit être celle d’une dimension universitaire plus marquée et plus signifiante

Guillaume Laurent , Directeur général du CHM

 Vous avez évoqué la proximité géographique avec l’université, comment envisagez-vous d’optimiser cette proximité au quotidien ?

Au-delà de nos activités de recherche, l’université et le Centre Hospitalier du Mans partagent des besoins communs en ce qui concerne la vie quotidienne sur le campus, la mobilité, les services, la garde d’enfants, etc. La nouvelle halte ferroviaire qui dessert nos deux établissements est un point d’appui.
Réfléchir et travailler ensemble sur ces sujets nous apportera une plus grande efficacité.

 

 Pourquoi mettre en avant la dimension universitaire, alors que vous n’êtes pas un centre hospitalier universitaire ?

Nous affichons clairement notre ambition universitaire en matière d’enseignement et de recherche, bien que nous n’ayons pas l’intention de devenir un CHU, étant donné qu’il en existe déjà trois à proximité (dont deux dans la même région).

Toutefois, nous assumons pleinement notre ambition aux côtés de nos partenaires, et cela doit se traduire par un développement considérable des postes d’enseignants en médecine. Nous visons jusqu’à dix postes de professeurs (au lieu de deux actuellement) et une dizaine de chefs de clinique assistants des hôpitaux (au lieu de quatre actuellement). Cette démarche est essentielle pour renforcer l’attractivité de notre hôpital, car nous sommes confrontés, comme d’autres hôpitaux publics, à la vacance de postes de praticiens.

L’autre élément d’attractivité serait d’avoir un nombre supérieur d’étudiants en santé, afin d’augmenter nos chances de recruter des médecins à l’issue de leur cursus de formation.

 Quelle est l’autre « rupture » engagée par le centre hospitalier du mans ?

Celle de la transition écologique, pour laquelle nous venons tout juste d’installer notre comité de pilotage dédié. À l’échelle nationale, le secteur de la santé représente 8 % de l’impact carbone et les hôpitaux y contribuent. Il s’agit d’un paradoxe, car notre vocation première est d’améliorer la santé des individus, mais nous générons nous-mêmes des facteurs de risque de mauvaise santé.

Nous souhaitons donc adopter une démarche plus responsable, en suivant le concept « One Health » (qui met en avant l’interconnexion entre santé humaine, santé de la planète et santé des autres êtres vivants). Les professionnels de santé ont, dans leur ensemble, tardé à prendre conscience des enjeux environnementaux, mais cette prise de conscience s’accélère, en particulier chez les jeunes générations.
Notre approche renforcera également notre attractivité et notre esprit collectif. Là encore, c’est une thématique et des perspectives à travailler avec Le Mans Université, et nous n’en sommes qu’au début.

 

 Souvent, lorsque l’on entend parler de rupture au niveau d’un l’hôpital, c’est plutôt pour évoquer un personnel au « bord de la rupture ». Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Il est indéniable qu’une telle tension existe. La crise de la Covid 19 l’a accentuée, mais elle était sous-jacente. La crise des vocations et le rapport au travail évoluent dans de nombreux secteurs professionnels, et cela s’observe très clairement dans les hôpitaux. Les professionnels de santé sont profondément engagés dans leurs missions, mais ils aspirent à exercer leur métier dans des conditions de travail adaptées à leur bien-être.

Nous devons résoudre cette tension en attirant des jeunes et des professionnels dans cette vocation tout en les écoutant, en adaptant leurs horaires, en les formant, et en préservant les principes de fonctionnement et de continuité des soins, de solidarité et d’intérêt général.