La pollution des océans : le plastique en ligne de mire

Le Grand Format - N°1

La pollution des océans : le plastique en ligne de mireavec Fabienne Lagarde, de l'Institut des Molécules et des Matériaux du Mans

Soixante ans de société de consommation et d’industrialisation ont fait de la Terre une déchetterie à ciel ouvert. En cause notamment, un matériau aussi nocif qu’incontournable : le plastique. Plus exactement les micro-plastiques, qui sont le fruit de sa lente, très lente, dégradation. À l’Institut des Molécules et des Matériaux du Mans (IMMM - UMR CNRS 6283), l’équipe de Fabienne Lagarde cherche à savoir comment les caractériser, pour mieux en comprendre les risques et en anticiper les impacts.

 

Le plastique, c’est catastrophique ! Air, sols, glaces, sédiments... Il y en a partout et particulièrement dans l’océan, si bien qu’on parle aujourd’hui du « septième continent... ». Une étude parue dans PLoS ONE fin 2014 faisait état de 5.250 milliards de micro-fragments de plastique flottant à la surface des océans. Cela représente près de 270 000 tonnes de plastique. Des quantités encore plus importantes sont probablement immergées dans les fonds océaniques, où ces polymères (matériau à partir duquel est fabriqué le plastique) se dégradent très lentement ; tandis qu’au bout de quelques mois, ceux qui sont restés à la surface et sur la terre vont se fragmenter sous l’effet du soleil ou de l’érosion et générer des micro-plastiques. Problème : la durée de vie d’un polymère est de plusieurs centaines d’années. Le danger vient d’ailleurs, principalement, de sa persistance dans le temps.

Visible à l’oeil nu

C’est en 2013 que Le Mans Université se saisi du sujet, qui n’en est alors qu’à ses balbutiements en France. Nanoplastics, le projet emmené par Fabienne Lagarde au sein de l’IMMM a vu le jour en 2015. Il a été parmi les premiers, émanant d’un laboratoire des matériaux, à étudier la formation des micro-plastiques. Considérés comme une pollution diffuse, au même titre que le plomb ou l’arsenic dans d’autres matrices géologiques, les micro-plastiques ont quant à eux la particularité d’être visibles à l’oeil nu.

Vieillissement accéléré

Cinq laboratoires français, et plus d’une dizaine de chercheur·e·s référent·e·s, travaillent autour de Fabienne Lagarde sur le projet Nanoplastics. Parmi des centaines de plastiques aujourd’hui sur le marché, ils·elles étudient plus spécifiquement les polyétilènes et les polypropilènes, qui sont les plus répandus. En laboratoire, les scientifiques créent leurs propres plastiques. Ils·elles les font ensuite se dégrader selon un processus accéléré de vieillissement, dans des conditions les plus naturelles possible, c’est à dire en y induisant des variations de température, d’humidité, de milieu etc. Puis, ils·elles observent, grâce à des spectromètres et des microscopes, les étapes de dégradation du plastique. « Il se fragmente plus vite que nous le pensions » explique la coordinatrice du projet. Malgré tout, plusieurs mois et le concours de différentes disciplines (physique, chimie, biologie...) sont nécessaires pour commencer à générer des résultats.

Identifier, comprendre, prévoir

Fabienne Lagarde

Les travaux menés à Le Mans Université s’articulent selon deux axes : l’identification des plastiques retrouvés dans l’environnement et la compréhension de leurs mécanismes de dégradation. Comment retrouver les plastiques dans l’environnement ? Comment les caractériser ? Comment se sont-ils formés ? Quelles interactions ont-ils avec l’environnement et les autres polluants ? Et que vont-ils devenir ? Les réponses à ces questions sont autant d’étapes ayant pour objectif final la mise au point de matériaux de substitution ayant moins d’impacts sur l’environnement. Car s’ils peuvent avoir une dangerosité directe, pour la faune notamment qui les ingère et s’étrangle régulièrement avec, les déchets plastiques pourraient aussi présenter une tox

icité pour les écosystèmes et pour l’homme. Les chercheur·e·s commencent à peine à soupçonner des impacts dus à des expositions de long terme. Se pose également la question des additifs contenus dans les plastiques, par exemple les molécules ignifugeantes, dont le potentiel toxique, bien qu’encore inconnu, est à considérer.

L’ONU estime que 70% du plastique en mer finira par couler vers les profondeurs. Les océans sont par ailleurs le cimetière de millions de containers et d’épaves, mais aussi d’autres déchets liés aux catastrophes naturelles, au manque d’assainissement, aux décharges côtières ou autres déchets sauvages. Selon un rapport de la Fondation de la navigatrice Ellen MacArthur au forum économique de Davos en 2014, entre 4 et 12 millions de tonnes de plastique sont jetés à la mer chaque année.

D’ici 2025, la quantité de déchets plastiques entrant dans le milieu marin pourrait être multipliée par dix.

 

Article rédigé en partenariat avec Le Labo des Savoirs

 

Pour aller plus loin >
"Caractériser le vieillissement et la fragmentation des plastiques pour comprendre leur devenir dans les océans…" - Fanon Julienne, doctorante.

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