Décryptage #3 | Rupture[s]

Des matériaux nanoporeux pour stocker l’hydrogène

Magazine Science & Société | Décryptage #3 | Rupture[s]

 

Enseignants-chercheurs en chimie, Karim Adil et Maud Barré nous expliquent ce que sont les MOFs (metal organic framework) et leur utilité pour le stockage d'énergie du futur.

 

Le transport ferroviaire et maritime pourrait à l’avenir profiter de la technologie MOF (metal organic framework) permettant de stocker l’hydrogène à des pressions bien inférieures à celles généralement requises.

 

Explosif, volumineux, fuyant, l’hydrogène reste pourtant l’un des candidats les plus prometteurs et les plus abondants dans la course à la transition énergétique.

Si sa production ou son extraction mobilisent de nombreuses équipes de recherche dans le monde, son stockage interroge aussi de nombreux laboratoires, dont l’Institut des Molécules et Matériaux du Mans (IMMM - UMR CNRS 6283).
Karim Adil et Maud Barré, enseignants-chercheurs en chimie, explorent le piégeage d’hydrogène en utilisant des matériaux ultra-poreux, les MOFs (Metal organic framework). Ils participent à un consortium formé de 16 partenaires qui ont répondu ensemble à un appel à projets européens.

« Il y a quelques années, l’utilisation des MOFS pour le stockage d’hydrogène avait attiré l’attention des laboratoires du monde entier » relate Karim Adil. « Mais l’idée avait été abandonnée, car les quantités stockables étaient trop faibles. Aujourd’hui, la technologie MOF est arrivée à maturité et suscite un regain d’intérêt : les matériaux ont vu leur coût de production diminuer et peuvent désormais être produits à la tonne. »

 

Maîtrise nécessaire de la température

L’hydrogène est acheminé dans des réservoirs remplis de monolithes MOF ressemblant à des cailloux. Pour permettre à l’hydrogène de pénétrer ces matériaux, la température est fortement abaissée à 80 Kelvin (-193 degrés Celsius).
L’une des difficultés réside dans le contrôle de cette température, qu’il suffit ensuite d’augmenter (à 160 Kelvin, soit -113 degrés Celsius) pour libérer l’hydrogène. Cette technologie permet de réduire de manière significative la pression du gaz dans le réservoir, de 700 bars, la pression usuelle de stockage de l’hydrogène, à 100 bars.

Karim Adil confie : « Nous échangeons souvent avec l’équipe organisatrice des 24 heures du Mans* qui envisage de tester, en 2026, une course n’impliquant que des voitures à hydrogène. Pour l’instant, si des bonbonnes à 700 bars devaient être utilisées, le site entier devrait être classé Seveso pour cet événement ! »

De son côté, l’équipe de chercheurs européens travaille sur le transport ferroviaire, en partenariat avec Italferr, les chemins de fer italiens et, de façon plus générale, oriente sa recherche sur la mobilité lourde (transport routier, ferroviaire ou maritime). Cette dernière présente l’avantage d’être moins vulnérable au poids des éléments impliqués (pile à combustible, réservoirs) :

« C’est pour cette raison que la technologie hydrogène est généralement adoptée pour des bus ou des bennes à ordures, par exemple », observe Maud Barré. « Si nous utilisions les matériaux MOF à l’échelle d’une voiture, la moitié de la puissance embarquée serait consacrée à soulever le poids de la voiture. »

Les mobilités lourdes présentent un autre avantage : les stations de rechargements utilisées sont toujours les mêmes, notamment dans le
transport ferroviaire ou maritime.
« Le secteur prometteur concerne les cargos, lourds et actuellement polluants », enchaine Maud Barré. « On pourrait les imaginer produire leur propre hydrogène par électrolyse de l’eau de mer et fonctionner avec une pile à combustible. Cela
reste encore utopique, mais possible. »

 

*Compétition automobile annuelle emblématique de la ville du Mans.

 

Les MOF (Metal organic framework ou réseau métallo-organique) sont des matériaux solides poreux constitués d’ions inorganiques associés à des molécules organiques.
Cette combinaison leur confère une structure nanoporeuse qui se traduit par une très grande surface spécifique. En fait, si l’on pouvait déplier un simple gramme de ce matériau pour accéder à sa surface interne, on pourrait en recouvrir un terrain de football, soit environ 6000 m2).
L’IMMM utilise généralement du fer ou de l’aluminium, afin de travailler sur des métaux et des techniques de synthèse « les plus vertueux possibles ».

Karim ADIL, enseignant-chercheur en chimie
Maud BARRÉ, enseignant-chercheur en chimie
Institut des Molécules et Matériaux du Mans [ IMMM - UMR CNRS 6283 ]